L’histoire d’amour du Duc Michel de Russie

Comment un aristocrate proche de la cour de Russie, grand-duc de son état, fils du vice-roi du Caucase, petit-fils du tsar Nicolas Ier, peut-il, au début du XXe siècle, faire les beaux jours de Mandelieu loin de sa Russie natale ?

Sans doute du fait que Michel Mikaïlovitch est le vilain petit canard de sa famille. Celui que sa mère et le tsar qualifient de stupide, lui refusant plusieurs mariages, soit parce qu’il y a mésalliance eu égard à son rang de Romanov, soit parce qu’il n’est pas, à l’instar de ses frères et sœurs, considéré comme un très beau parti quoique riche et joli garçon. Ce qui ne l’empêche nullement, à vingt ans, après être passé par une carrière militaire dont il est sorti colonel, d’être la coqueluche de la jeunesse dorée de Saint-Pétersbourg et de multiplier les conquêtes féminines.

Ce qui, rapidement, conduit ses parents à l’éloigner des femmes dont il s’éprend en l’envoyant à l’étranger. Et le voilà qui voyage tant en Prusse, qu’en Hesse, en Angleterre qu’en Ecosse et en France. Et c’est ici que son histoire décolle par un épisode, digne d’un roman à l’eau de rose, qui se déroule en 1891 à Nice.

Lors d’une de ces promenades montées où se côtoie la gentry un cheval s’emballe. Michel Mikaïlovitch en cavalier accompli et n’écoutant que son courage s’élance à sa poursuite, arrête l’impétueuse monture et sauve la vie de sa cavalière, une certaine Sophie von Merenberg. Il n’en faut pas plus pour que les deux jeunes gens s’éprennent. Mais c’est une habitude chez le grand-duc, la demoiselle n’est pas de pure lignée aux yeux des aristocrates du temps. Certes, elle appartient à la puissante famille ducale de Nassau mais issue du mariage morganatique de son père Nicolas avec Natalia Pouchkine, fille du grand poète russe Alexandre Pouchkine, lui-même arrière-petit-fils d’Abraham Hannibal d’origine camerounaise. Bref, comme à son ordinaire, Michel Mikaïlovitch a tout faux.

Le couple devra remuer ciel et terre pour faire attribuer un titre à Sophie, celle de comtesse de Torby. Leur mariage célébré en 1891 à San Remo lui vaut un exil définitif et l’interdiction de remettre les pieds en Russie ainsi que celle d’intégrer l’armée du tsar lors de la Première Guerre mondiale. Ce qui lui sauve sans doute la vie, trois de ses frères, Serge, Nicolas et George, à l’instar de la famille impériale, y sont exécutés en 1918 et 1919 lors de la révolution russe. Jusque-là le couple banni peut mener grand train, le grand-duc possédant au Caucase, à Tiflis, une usine d’embouteillage d’eau minérale très rémunératrice. Ce qui lui permet notamment d’acheter la grande pinède où il fait construire le Old Course de Mandelieu-La Napoule et de fonder son club de golf.

Pour se venger des avanies dues à son mariage si peu accepté par ses pairs, il rédige un roman transparent autour du mariage morganatique, publié en 1908, Never Say Die que l’on peut traduire par Il ne faut jamais désespérer. Un titre qui, à lui seul, résume parfaitement la vie de Michel Mikaïlovitch de Russie.