D’un Château à l’autre
Château de La Napoule. L’amour des Clews – Once upon a time.
C’est un scénario comme on en raffole dans le cinéma hollywoodien. Lui, Henry Clews (1836-1923), est un artiste américain qui, plutôt que de devenir banquier d’affaires comme son père à Wall Street, préfère s’exiler en France un moment, avec sa première femme, pour vivre son art plus librement.
Elle, Elsie Whelen (1880-1959), est une jeune beauté qui enflamme les soirées et les bals du tout Philadelphie. Elle aime la peinture et prend des cours auprès d’Henry. Il n’en fallait pas plus pour qu’ils s’éprennent.
Il est divorcé, elle demande le divorce à son tour. Ils ont chacun deux enfants, mais qu’importe le qu’en-dira-t-on, la différence d’âge et même la séparation d’avec leurs enfants, ils se marient en 1914 à New York. Rapidement c’est en France qu’ils s’installent, à Paris d’abord où naît leur fils Mancha qui doit son prénom inusité à l’admiration de son père pour Don Quichotte – « l’Homme de la Manche » – roman de l’écrivain espagnol Miguel de Cervantès. Pour la même raison d’ailleurs, il octroie à son domestique le prénom de Sancho ! Elsie quant à elle est rebaptisée Marie par son époux afin qu’on ne la confonde pas avec une autre Elsie Clews, sa propre sœur aînée, intellectuelle libre de ton, féministe et anthropologue de renom.
Au sortir de la guerre en cherchant un havre de paix après les bombardements dans la capitale et la grippe espagnole, ils tombent amoureux des vestiges du château de La Napoule, ses deux tours sarrasines et la vue superbe qu’offre la propriété sur la Méditerranée. Ils s’y installent définitivement en 1919 et le château, sa reconstruction, sa décoration, ses jardins deviennent l’affaire de toute leur vie.
Et que je t’abatte toits et cheminées, te construise des remparts crénelés, que je te trace des allées, que je t’ébauche des jardins, que je t’élève des arcades, des terrasses, des statues, que je te sculpte la pierre, c’est un chantier gigantesque et permanent. L’esprit est quelque peu tourné vers le passé mais le confort est on ne peut plus contemporain avec chauffage central, eau courante, électricité et téléphone. Les amis sont nombreux à être reçus, en dépit des baraquements, des pierres de taille, des ouvriers à la tâche et des travaux de toute sorte, mais il faut aimer les fêtes, souvent costumées, les discussions enflammées, les parties de bridge, et les dîners savoureux si l’on veut bien oublier tout le chaos environnant. Ceux que le chantier épouvante n’y reviennent pas. Celui-ci continuera sans répit jusqu’à la mort d’Henry en 1923.
Les protagonistes de cette merveilleuse aventure qu’est pour eux cette construction ont considéré leur histoire commune tel un véritable conte de fée. Au point qu’Henry qui ne manquait pas d’humour a marqué la porte de leur propriété d’un authentique “il était une fois”, en français dans le texte, réitéré à l’entrée du château par un « one upon a time », dans la langue de Shakespeare cette fois.



