POURQUOI MANDELIEU EST-ELLE LA CAPITALE DU MIMOSA ?
DE L’AUSTRALIE AU TANNERON
Originaires d’Australie, des arbustes jaune d’or sont arrivés en Europe grâce aux explorateurs et, en conséquence, introduits dans les jardins botaniques.
En Grande-Bretagne d’abord, à la suite de l’expédition de James Cook sur l’Endeavour, lors de laquelle les botanistes Joseph Banks et Daniel Solander, élève de Linné, recueillent nombre de plantes sur la côte est de l’Australie et rapportent notamment, en juin 1771 à Londres, acacias et eucalyptus. Ils trouvent évidemment place dans les serres des Royal Botanic Gardens.
En France ensuite, l’expédition de circumnavigation de Nicolas Baudin à bord du Naturaliste et du Géographe rapporte des milliers de plantes, en juin 1803 et mars 1804, dont les plus rares et décoratives rejoignent bientôt le château de La Malmaison sur demande de l’impératrice Joséphine, qui charge le botaniste Etienne-Pierre Ventenat de les décrire et à l’aquarelliste Pierre-Joseph Redouté de les reproduire.
C’est une des premières fois semble-t-il que, sous la plume de Ventenat, apparaît le terme mimosa. Dans la classification de Linné, en effet, il s’agit seulement d’arbustes du genre Acacia, de la famille des Fabacées, de la sous-famille des Mimosacées caractérisés notamment par une floraison d’épis cylindriques, ou glomérules. Dès cette époque leur nom vernaculaire devient donc en France mimosa. Ce n’est toutefois pas grâce à Joséphine de Beauharnais que le mimosa s’implante sur la Côte d’Azur mais par l’arrivée des Anglais qui s’y installent construisant des villas et y organisant leurs jardins. C’est de là que le mimosa migre dans la nature et envahit peu à peu le massif du Tanneron.
Bientôt, dès 1830, des agriculteurs des communes de Tanneron, Mandelieu et Pégomas, se mettent à le cultiver pour vendre sa fleur coupée en plein cœur de l’hiver. La mode en est lancée et toute l’Europe s’en révèle friande. La course à la culture du mimosa peut commencer. Elle ne s’arrêtera pas.
Quant aux fêtes du mimosa, les premières connues se déroulent chaque année en Australie depuis 1910, jour du National Wattle Day, wattle signifiant acacia. Chacun a à cœur d’épingler à sa boutonnière un brin d’Acacia pycnantha qui, en 1912, paraît sur le blason australien y rejoignant le kangourou roux et l’émeu qui y figuraient depuis 1908.
En France, c’est le 16 février 1931 que la commune de Mandelieu organise sa première fête du mimosa devenue depuis emblématique de la ville, avec chars et corso fleuri.
LE MIMOSA EN CULTURE
La grande affaire de Mandelieu relève de la culture du mimosa, de l’obtention de nouvelles variétés, de sa cueillette, de son forçage et de son expédition.
Les mimosistes ont le vent en poupe dès la fin du XIXe siècle. Ils édifient des forceries chauffées à 23°-24°C, organisent le transport des brassées de fleurs, d’abord en charrette à âne ou à mulet, par la suite en voiture jusqu’à la gare ferroviaire de Mandelieu d’où s’organise l’expédition vers Paris et toute l’Europe.
Cette activité saisonnière entraîne l’essor d’un autre artisanat d’importance : celui de la vannerie nécessaire à l’emballage des bouquets. Les vanniers qui s’installent ici au tournant des années 1900 proviennent en général d’Italie. On les retrouve tant à Nice qu’à La Bocca et, à partir de 1927, à Mandelieu dans le quartier de Capitou.
La répartition des tâches se fait dans les familles où tout le monde est mis à contribution. Les hommes coupent osier et roseaux au bord de la Siagne, les mettent à sécher dans leur atelier, les ébarbent ensuite puis les fendent dans leur longueur. C’est alors que les femmes entrent en scène. Elles s’attaquent d’abord au fond du panier, en tressant les tiges d’osier et en y plantant des rameaux rigides pour en façonner l’ossature. Elles s’affairent ensuite au tressage des cannes de roseaux qui donne sa forme définitive au panier. Ce dernier doit toutefois répondre à des critères précis de taille et doit assurer une solidité lui permettant d’y placer de 3 à 4 kilos de bouquets qui sont vendus au poids.
Dans les années 1970, la vannerie mandolocienne disparaît, les paniers de roseaux faisant place au carton plus facile à mettre en œuvre et d’un bien moindre coût.
LES MIMOSISTES AU CŒUR DU DISPOSITIF
Sans les mimosistes, Mandelieu ne serait pas devenue ce qu’elle est, la capitale française du mimosa. Ils se sont mis très tôt à cultiver l’arbuste, tel l’horticulteur Clément Narbonnaud. D’abord pour la parfumerie, mais ils cherchent rapidement à créer de nouvelles variétés obtenues en premier lieu à partir de l’Acacia dealbata, avec les cultivars productifs que sont notamment le Mirandole qui représente aujourd’hui les deux tiers de la production, le Rustica aux grosses grappes retombantes, et le Gaulois jaune soufre, à floraison plus tardive pour un bon tiers du total.
Cependant, si les mimosistes ont pu répondre à la demande de bouquets avec une fleur coupée, c’est qu’ils ont pratiqué très tôt le forçage de la plante. Ici, la tradition attribue cette découverte, toujours fortuite, à tel ou tel mimosiste, notamment à Honoré Tournaire. Ceci dit, le forçage existait déjà depuis des lustres, pratiqué en particulier par La Quintinie, chargé du potager royal à Versailles qui, grâce à lui, pouvait en plein mois de décembre faire servir des asperges à Louis XIV qui en était friand. Quoiqu’il en soit, des forceries chaudes, humides et éclairées voient le jour essentiellement à Capitou jusqu’à compter ici quelque quatre-vingts mimosistes au début du XXe siècle dont certains sont restés réputés dans le monde du mimosa, comme Albert Armando créateur du Montbrillant ou Louis Brun-Fleurdespois, père du Bon Accueil à feuillage vert foncé et à gros glomérules issu de l’Acacia decurrens et fleurissant en janvier-février. Comment les citer tous, ces Avril, Bareste, Brunel, Cometti, Courrin, Martin, Négrin, Oggero, Paulhan, Pelazza, Perrissol, Rougier… qui ont œuvré et pour beaucoup œuvrent toujours à la gloire de la petite fleur jaune qui fleurit et embaume au cœur de l’hiver.
La durabilité de celle-ci a par ailleurs été boostée par la mise au point en 1949, aux Pays-Bas, d’une solution nutritive pour fleurs coupées, Chrysal à la mystérieuse composition, généralement proposée pour chaque bouquet de mimosa, lui assurant une survie supplémentaire de près d’une semaine.